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Ta dose de pop culture des bières

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Par Juliette Phuong
3 mars · 5 mn à lire
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Travaille tes styles

Range ta veste en velours, on parle toujours de bières.

Illustration avec des livres mais les styles peuvent aussi s'apprendre avec des humain·es. Illustration avec des livres mais les styles peuvent aussi s'apprendre avec des humain·es.

Avoue tu désignes les bières par leur couleur

Tout le monde le fait, mais certaines personnes plus que d’autres. 

  • “Je voudrais votre blonde de base”

  • “J’adore la bière blanche, c’est léger, c’est frais” 

  • “La bière brune c’est trop fort pour moi”

Il faut bien nommer les bières, et la couleur est un raccourci pratique… parfois. 

Comme tous les raccourcis, on rencontre vite les limites.  

Si tu désignes les bières par leur couleur, tu vas avoir quoi, 4 catégories : blonde, blanche, rousse/ambrée et brune. Si tu veux les désigner par leur type de fermentation, c’est bien geek et tu as 3 catégories selon les types de levures utilisées : haute (ale), basse (lager), spontanée (sauvage). A la limite 4 si tu parles de fermentation mixte (utilisation de plusieurs types de levures). 

Tristesse ! 

Surtout quand tu sais qu’il y a plus d’une centaine de styles référencés aujourd’hui. 

Et si on est là pour kiffer les bières dans toute leur diversité, autant nommer cette diversité, et en profiter pour apprendre des trucs sur les styles. 

D’abord, c’est quoi un style ?

Un style, c’est comme une recette de cuisine. 

Suivant les brasseries, les pays, les pratiques, chaque style va être interprété de façon différente, tout comme chaque cuisinier·ère le ferait avec une ratatouille. Alors ? Avec ou sans poivron ? Avec ou sans vinaigre ? (What ? oui, demande à Google). 

Le style te sert à connaître un profil type. C’est simplement un repère. Il est défini par un mode de fermentation, une couleur approximative et un profil aromatique particulier. 

A quoi ça sert de nommer les bières ?

Comment, à quoi ça sert de nommer précisément des choses que des gens se sont cassé la binette à fabriquer correctement ? Oui j’ai eu mon bac littéraire (en 2003) grâce à un abus de questions rhétoriques. 

Exemples d’utilisation : 

  • parler avec tes cavistes en ayant l’air hyper informé·e

  • commenter des bières en distinguant ce qui est “attendu” de ce qui est “surprenant”

  • juger / analyser des bières de la même catégorie (et identifier les hors catégorie)

  • savoir détecter les défauts de la bière

  • commander / acheter une bière avec une précision diabolique

  • faire suer les gens qui disent que la bière blonde, y a que ça de buvable

“Mais euh même les brasseries parlent de blondes”

Oui, certes. 

Toutes les brasseries n’ont pas choisi d’éduquer leur clientèle. L’enjeu d’une étiquette de bière, c’est d’être visible, lisible et compréhensible. 

Si tu lis clairement “lichtenhainer” mais que tu n’as aucune idée de ce que ça veut dire, tu hésiteras peut-être à acheter cette bière.

Et cette seconde d’hésitation est précieuse, car pendant ce temps, ton regard aura accroché une autre étiquette, intitulée “bière de blé, acide et fumée”. Pouf, beaucoup de chances que la 2e bière soit choisie, alors que le style est le même. Juste parce que tu as compris ce qu’on te proposait. 

Ok, par quoi je commence ? 

Commence par nommer ce que tu bois le plus souvent. 

Au comptoir, à la pression, ta bière industrielle est souvent une pils (ou pilsner). Elle est de couleur dorée, est bien translucide. Elle est amère mais pas trop, avec un équilibre entre les céréales et le houblon. La finale est sèche, la pétillance est vive.

Tu entendras parfois “lager”, mais c’est un autre raccourci. Le terme “lager” désigne les bières de fermentation basse, avec des levures qui travaillent plutôt dans le froid. Les pils font partie des lagers mais toutes les lagers ne sont pas des pils.

Ben ouais sinon c’est trop facile. Avec la fermentation basse, tu peux brasser d’autres recettes, encore heureux. 

Si c’est pas une pils, c’est peut-être une pale ale, ou une IPA. 

Toutes peuvent être de couleur “blond”, mais pas forcément. En tout cas, entre une pils et une IPA, rien à voir, alors que les deux sont des bières “blondes”. 

La blanche, tu peux l’appeler “bière de blé”, tu ne perds rien. Après, essaie de dire à tes cavistes bières que toutes les bières de blé sont légères et fleuries, tu pourrais découvrir la weizenbock par exemple, un style allemand plus porté sur les arômes de pain toasté, de caramel et potentiellement de couleur ambrée.

Quant aux bières brunes, elles couvrent vraiment beaucoup trop de réalités pour que tu les appelles juste par leur couleur. Entre une schwarzbier et une imperial stout, c’est autant de différences entre le déca et l’irish coffee. Oui mes comparaisons sont toujours un peu tirées par les cheveux mais t’as compris l’essentiel.

Bref, regarde bien ce que tu bois et commence par nommer les bières que tu aimes par leur style. Si ce n’est pas écrit sur l’étiquette, demande à tes cavistes. Si t’as pas de caviste, demande à l’internet, ou aux ressources que je te donne plus bas.

Qui définit les styles ? 

Un style ne se décrète pas. 

C’est comme en linguistique, c’est l’usage, la vraie vie qui décide. Si on observe l’émergence et le maintien d’un certain profil aromatique ou d’un mode de fabrication, alors on va le nommer parce qu’on en aura besoin pour en parler, pour le vendre, pour le juger en concours.

Des gens peuvent se réunir et décider de créer des catégories parce qu’ils en ont besoin pour un usage particulier, comme ça a été le cas pour le BJCP, qui est un guide de styles pour les concours de brassage amateur. Ou sinon ce sont des auteur·ices qui donnent leur approche, toujours basée sur l’observation et la dégustation de bières existantes.

Dans l’histoire des bières, on a trouvé trace de certaines recettes, certains profils aromatiques, qui sont apparus dans certaines régions du monde, à une certaine époque. A partir de ces informations, des styles dits “historiques” ont pu être déterminés.

Aujourd’hui, des brasseries peuvent inventer une recette, mais elle ne deviendra un style que si cette recette perdure et que la communauté profesionnelle et amatrice décide qu’il est nécessaire de la nommer. Dans le BJCP par exemple, certains styles sont en attente d’être référencés, comme la session IPA, alors tu en as sûrement déjà bu, de plusieurs brasseries différentes, et que ce terme est déjà couramment utilisé dans le milieu brassicole.

Et si je veux appeler IPA une pils, qu’est-ce que tu vas faire ? 

Ben rien, c’est juste que tu risques de ne pas être compris·e. Et si tu veux vendre une bière avec un autre nom que son style, grand bien te fasse. 

Il n’y a pas d’obligation d’affichage du style.  

Les brasseries peuvent mettre ce qu’elles veulent sur le style de la bière. Y compris dire que c’est une sour (bière acide) lorsqu’il s’agit d’une simple pale ale infectée (déjà vu, faut pas nous prendre pour des jambons). 

On n’est même pas obligé de mettre les ingrédients, donc t’imagine bien que le style est plus qu’optionnel. 

C’est quoi la réf ultime ?

C’est bon, t’es convaincu·e et tu vas t’y mettre ? 

Il n’est pas indispensable d’acheter le meilleur livre, le plus exhaustif et le plus volumineux. 

Commence par le BJCP (Beer Judge Certification Program), c’est gratuit et tu peux le trouver sous tout plein de formats, y compris une application mobile. A l’origine du BJCP, des gens qui voulaient que ce soit moins le foutoir dans les concours de brassage amateur en créant des catégories. C’est devenu une des références pour les styles de bières, malgré eux. Les snobs qui bavent dans une bière sous prétexte qu’elle sort du style BJCP peuvent se reposer. 

Ensuite, je te recommande l’excellent Beer : Taste the evolution in 50 styles de Natalya Watson, qui réussit l’exercice périlleux de t’expliquer les styles de bières avec un focus sur les ingrédients, le tout en resituant un contexte historique. 

Enfin, un peu plus dense, plus onéreux et plus complet, Les saveurs gastronomiques de la bière, de David Lévesque Gendron et Martin Thibault. Mais citer ce bouquin c’est presque de la triche, c’est une référence pour beaucoup d’amateur·ices de bières, promis je vous en trouverai un autre en français. Sinon on attend juste la traduction en français de celui de Natalya Watson. 

Et sinon, prends des cours de zythologie, inscris-toi dans un club de dégustation ou une association. Avec des humain·es, on apprend encore mieux.

Alors ? Ce soir, tu demandes quoi au comptoir ? 

Bisou. 


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