PinPinte

Ta dose de pop culture des bières

image_author_Juliette_Phuong
Par Juliette Phuong
23 févr. · 4 mn à lire
Partager cet article :

Kiffe tes dealers (de bières)

D'excellentes raisons de soutenir tes cavistes bières

Illustration un peu cheloue d'un vendeur de quelque chose, de foin ou de bougie.Illustration un peu cheloue d'un vendeur de quelque chose, de foin ou de bougie.

Longtemps, j’ai fui les caves à vin. 

Surtout les cavistes. 

Vocabulaire abscons, géographie nébuleuse, cépages imprononçables. Je ressortais souvent de la boutique avec cette sensation de ne pas avoir compris ce que j’achetais. 

Et en même temps, acheter au supermarché était pour moi un moment de solitude ultime. 

Le silence des linéaires. 

Ces centaines de bouteilles qui te narguent de leur embonpoint. “HA tu sais pas ce que je vaux hein !” Non j’en ai aucune idée donc je vais prendre la bouteille qui dit Récoltant et avec une étiquette pas trop vilaine (ouais super le critère). 

Aujourd’hui, je suis toujours novice, mais j’adore ma caviste (vin) parce qu’elle me parle avec des termes que je comprends. Elle va vite sur la partie technique mais déploie un éventail d’adjectifs pour me présenter les saveurs et textures des vins. Je suis à l’aise avec elle pour lui dire que j’ai capté queud, et elle ne se fout pas de moi. 

Souvent, j’arrive avec ma tête d’ahurie et ma phrase habituelle “je voudrais un truc comme ce que tu m’as proposé la dernière fois, mais d’un autre domaine pour changer”. Elle n’a même pas l’air exaspérée. 

Et non seulement elle est super, mais sa cave est à 4 minutes à pied de chez moi. 

Et ça. 
C’est. 
Important. 

Dans mon quartier, toutes les caves à bières ont fermé leurs portes. Confinement ou loyers flamboyants, je ne sais pas. Mais je ne peux plus passer chercher des bières en revenant de la crèche, avec mon enfant sous le bras. Je ne peux plus parler de la bière que j’ai goûtée la veille, avec la personne qui me l’a vendue. 

Je n’ai plus de commerçant de proximité avec qui je peux parler de bières. 
Alors ce message peu subtile : prends soin de tes cavistes. 

Il y a de très bonnes caves à bières à Lyon, ce n’est pas la question. 
Mais elles ne sont pas sur mon trajet, elles ne sont pas dans ma vie quotidienne. Je ne peux pas y passer une tête juste pour faire coucou, regarder s’il y a des nouveautés et me laisser tenter par une recommandation. 

Je parle souvent des brasseries que l’on choisit de soutenir. Acheter est un acte politique. Je parle aujourd’hui des cavistes. Pourquoi est-ce si important de les soutenir, d’acheter les bières en cave ? 

Parce que sans caves à bières, point de : 

  1. conseil et pédagogie

  2. proximité

  3. diversité et pépite

Dans la découverte des bières, il est indispensable de s’entourer de personnes aux compétences complémentaires. Les cavistes sont de formidables allié·es pour la découverte. Je ne crache pas sur les supermarchés, c’est juste que je ne veux pas me passer de la papote avec les cavistes.

Conseil et pédagogie

Le conseil, ce n’est pas simplement une demande ponctuelle suivie d’une réponse. C’est aussi une connaissance mutuelle qui s’affine dans le temps. Les cavistes finissent par connaître tes goûts mais aussi les prénoms de tes enfants et l’emplacement de ta maison de campagne. 

Les cavistes t’apprennent des trucs, mine de rien. Au fil des discussions, tu auras l’explication d’un style, la définition d’un acronyme, bref, tu as un cours de zytho gratis, à l’année.

Chaque caviste aura une approche différente. Quand l’un·e va insister sur les perceptions organoleptiques, l’autre sera peut-être plus technique, ou spécialisé·e dans les accords. 

Commerce de proximité

J’ai vécu toute ma vie à Paris et 10 ans dans le quartier Saint-Antoine. J’ai goûté la vie de village citadin. Je connaissais les prénoms de toustes les commerçant·es et restaurateur·ices. En 4 ans, dans mon quartier lyonnais, j’ai pu reconstruire tous ces repères-là. C’est ma façon de m’ancrer dans mon quartier. 

Et c’est très précieux pour moi. C’est un luxe que je savoure tous les jours. 

Et puis, si je suis exigeante avec les produits que je consomme, alors je suis exigeante également sur l’écosystème que mon argent fait vivre. 

Diversité et pépite

Dans une cave, comme dans n’importe quel commerce, c’est la diversité qui crée l’équilibre. 

Il y a des bières qui n’ont besoin d’aucun argumentaire parce que déjà très connues (les belges, les instagrammées, les 4.7 minimum sur untappd) ou parce que très bon rapport qualité prix (les allemandes pour ne citer qu’elles). 

Puis il y a les autres. Avec plus de 2300 brasseries et plus de 10 000 références de bières en France, sans compter les brasseries et références mondiales, le travail de sélection est stratégique pour pouvoir proposer une variété de prix, de styles, d’identités et d’histoires. Le tout sans forcément disposer de 300m².

Pas de pépite sans caviste. 

Le kiff de la pépite, pour moi, c’est d’abord une personne qui t’en parle avec les yeux qui brillent. Elle te dit en quoi la bière est unique et savoureuse et merveilleuse.

Vient ensuite la dégustation avec les bribes de votre conversation en tête.

Enfin, se revoir, discuter de ce que vous avez ressenti ou préféré, sans même connaître le nom de famille de l’autre. Vous avez créé un lien, en partageant une bière en asynchrone.

Avoir le choix. 

Je voudrais continuer à avoir le choix d’acheter la bière qui convient à mon budget, à mon envie du moment ou au plat que je vais cuisiner. Le choix de pouvoir parler avec un être humain, d’être informée, surprise ou contredite. Pour cela, il faut soutenir les cavistes et les commerces indépendants. 

Nous ne voyons pas d’autre explication. 


Tu es caviste ? Tu veux compléter ou contester ? Viens on en discute.
Tu as un·e caviste que tu veux présenter au monde ? Viens tu m’en parles ?

Merci à Christèle Zamprogno, caviste/patronne de Beerz à Cherbourg et Marie-Emmanuelle Berdah, zythologue Craftology et ex-caviste, pour nos discussions biérologiques. 

P.S. Merci pour vos nombreuses réponses suite à mon appel à correspondance. Je discute encore avec quelques un·es parmi vous et je vous raconte.

Tu veux lire les articles précédents ? C’est par ici bien sûr. Partage PinPinte avec les gens qui la méritent, invite-les à s'abonner, en plus ça m'encouragera à en écrire d'autres.